L’insuffisance rénale chronique résulte de la perte irréversible des capacités métaboliques, endocriniennes et excrétrices des reins. Elle est la conséquence d’une maladie des reins qui atteint les glomérules, les tubules, le tissu interstitiel, les vaisseaux ou toutes les structures à la fois.
> L’anatomie et la physiologie du rein sont détaillées dans la fiche « Insuffisance rénale aiguë ». Nous vous invitons à la consulter en préambule.
L’insuffisance rénale chronique est une maladie fréquente. Elle est considérée chez le chien et le chat comme une cause majeure de décès chez les animaux âgés (deuxième cause de mortalité chez le chat et troisième cause de mortalité chez le chien).
Épidémiologie
L’insuffisance rénale chronique touche les animaux de tout âge mais l’incidence augmente avec l’âge. Cette maladie peut atteindre toutes les races, les mâles et les femelles.
Certaines races de chats ou de chiens sont prédisposées à des maladies rénales congénitales et héréditaires à l’origine d’une insuffisance rénale chronique (Lhassa Apso, Shih Tzu, Elkhound norvégien, Sharpei, Dobermann, Samoyède, Wheaten Terrier, Cocker Spaniel, Beagle, Keeshond, Bedlington Terrier, Cairn Terrier, Basenji pour le chien et Abyssin, Siamois, Oriental et Persan pour le chat).
Le diagnostic est établi en moyenne à l’âge de 6,5 ans chez le chien.
Développement de l’insuffisance rénale chronique
L’insuffisance rénale chronique s’installe et évolue de façon insidieuse. Elle est causée par un remplacement des néphrons fonctionnels par du tissu cicatriciel fibreux non fonctionnel. De très nombreuses causes peuvent être à l’origine de cette modification : congénitale, héréditaire ou acquise (= conséquence d’une maladie propre aux reins). Quelle que soit la cause, les conséquences pour l’organisme sont identiques.
Lorsque les néphrons sont détruits, des phénomènes compensatoires se mettent en place pour malgré tout assurer la filtration du plasma et la formation des urines. A cause de la puissance d’adaptation du rein, les signes biologiques ne sont détectables qu’à partir d’une perte de tissu rénal de 60 à 70 %. Avant ce stade, l’animal ne présente aucun symptôme.
Signes cliniques
Les signes cliniques d’une insuffisance rénale chronique sont extrêmement variés car les fonctions du rein sont extrêmement diversifiées : excrétion des déchets protéiques de l’organisme, régulation de l’hydratation de l’organisme, régulation des minéraux dans l’organisme, sécrétion d’hormones diverses ayant un rôle sur de nombreux organes.
Signes gastro-intestinaux
L’urée qui s’accumule se transforme au niveau des muqueuses buccales et digestives en ammoniac, à l’origine d’anorexie, de vomissements, de mauvaise haleine, de stomatites et ulcérations buccales, d’ulcères gastro-intestinaux et de diarrhées.
Signes neuro-musculaires
Les modifications biologiques induites par l’insuffisance rénale ont des conséquences au niveau du cerveau et du système nerveux : diminution de la vigilance et de l’état de conscience, léthargie, troubles comportementaux, tremblements, ataxie (perte de l’équilibre et difficultés locomotrices), crampes, faiblesse musculaire, crises convulsives pouvant aller jusqu’au coma.
Signes cardio-pulmonaires
Les toxines urémiques augmentent la tension artérielle et créent une cardiomyopathie, une péricardite ou un œdème pulmonaire.
Signes oculaires
Un certain nombre d’effets secondaires de l’insuffisance rénale chronique est décelé au niveau oculaire : conjonctivite, œdème, hémorragie ou décollement de la rétine, glaucome ou dégénérescence rétinienne. Ces symptômes peuvent entraîner la cécité de l’animal.
Conséquences métaboliques et endocriniennes (=hormones)
Un certain nombre d’hormones sont touchées par l’insuffisance rénale comme l’insuline et les hormones thyroïdiennes.
Perturbations des minéraux
L’insuffisance rénale chronique modifie le métabolisme du calcium, du phosphore et du potassium, à l’origine d’une déminéralisation des os et à l’inverse d’une minéralisation des tissus mous (estomac, bronches, reins).
Signes hématologiques
Des saignements, des ecchymoses, des petites taches sanguines au niveau des muqueuses et une anémie sont des signes fréquents accompagnant une insuffisance rénale.
Les symptômes de l’insuffisance rénale varient en fonction de la nature, de la sévérité, de la durée et de la vitesse de progression de la maladie. On retiendra l’augmentation de la prise de boisson, l’anorexie, la perte de poids, la mauvaise haleine, les nausées et vomissements, la diarrhée, la déshydratation, les stomatites et le poil sec et terne…
Une infection urinaire est souvent associée à une insuffisance rénale car la concentration des urines est un des éléments de défense naturelle contre la multiplication des bactéries dans les urines ; lorsque les urines se diluent, les bactéries s’y multiplient plus facilement.
Diagnostic
Le diagnostic d’insuffisance rénale chronique est souvent tardif. Il repose sur les signes cliniques et des examens complémentaires. On dose la créatinine et l’urée dans le sang. Ce sont de bons marqueurs de la fonction rénale, mais ils sont tardifs car les valeurs dépassent les normes lorsque 75 % du tissu rénal est lésé. On mesure également la densité urinaire, marqueur le plus précoce (mais une anomalie est décelée lorsque 2/3 des néphrons sont lésés).
D’autres examens permettant d’évaluer les complications de l’insuffisance rénale sont proposés : biochimie, ionogramme, hématologie, analyse urinaire, bactériologie des urines, échographie, mesure de la tension artérielle…
Pronostic
L’évolution d’une insuffisance rénale chronique est toujours défavorable, mais sa durée est variable d’un animal à l’autre : il est rarement possible d’évaluer l’espérance de vie au moment du diagnostic.
Le suivi de la créatinémie permet de suivre la vitesse d’aggravation de la maladie.
Traitement
Le traitement de l’insuffisance rénale chronique vise à :
- diminuer la charge de travail du rein,
- réduire les signes cliniques et les conséquences biologiques des intoxications par l’urée,
- réduire les troubles électrolytiques, vitaminiques, minéraux et acido-basiques,
- ralentir la progression de la maladie.
L’insuffisance rénale chronique est une maladie évolutive, le suivi et l’évaluation réguliers des animaux malades sont importants pour l’efficacité du traitement.
Alimentation
Le rôle de l’alimentation diététique dans la gestion de l’insuffisance rénale chronique est primordial. Il a pour but :
- de prévenir l’anorexie et de limiter la diminution du poids,
- de maintenir une pression sanguine au niveau du rein suffisante,
- de prévenir les perturbations du métabolisme du calcium ayant une influence au niveau osseux,
- de limiter la production des toxines urémiques.
Cette alimentation adaptée aux animaux présentant une insuffisance rénale doit contenir des protéines en quantité réduite mais de haute valeur biologique. Ceci permet de réduire la production de déchets azotés par une restriction contrôlée des protéines « non essentielles ». La qualité des protéines incorporées joue un rôle prépondérant.
L’apport de phosphore doit être limité ; cette mesure a un effet bénéfique majeur sur l’espérance de vie des animaux en insuffisance rénale chronique.
L’aliment doit apporter aussi l’énergie nécessaire ; l’incorporation d’acides gras polyinsaturés a montré son efficacité.
30 % des animaux souffrant d’insuffisance rénale chronique manquent de potassium, cet aliment doit être correctement supplémenté.
Surtout chez le chat, on respectera la texture habituelle de l’animal (boulettes, pâté, mousse, croquettes) et il sera idéalement initié à la maison pour éviter que le chat se dégoûte d’un aliment en hospitalisation. Les aliments diététiques, en boîte ou en croquettes se trouvent chez votre vétérinaire, différentes marques existent. Votre vétérinaire peut également vous proposer de créer une ration ménagère adaptée à l’insuffisance rénale chronique de votre animal : c’est cependant contraignant de fabriquer les repas, d’autant que la composition doit être scrupuleusement respectée incluant les supplémentations minérales et vitaminiques qui s’imposent.
Traitement de la maladie rénale
Actuellement, le seul traitement de l’insuffisance rénale chronique consiste en l’administration « d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion ». Ce sont des molécules qui étaient et sont toujours couramment prescrites dans les cas d’insuffisance cardiaque. Il a été montré que leur utilisation chez l’animal présentant une insuffisance rénale chronique soutient les néphrons encore fonctionnels.
Traitement symptomatique
L’ensemble des complications induites par l’insuffisance rénale chronique, variant d’un animal à l’autre, doit être pris en charge de façon symptomatologique:
- lutte contre les diarrhées et les vomissements,
- apport ajusté en minéraux et vitamines,
- correction de l’hypertension artérielle éventuelle,
- surveillance de l’anémie.
Le suivi de ces animaux est primordial pour améliorer l’efficacité du traitement : on peut conseiller de les revoir deux semaines après l’initiation du traitement puis au moins deux à trois fois par an.
L’insuffisance rénale chronique est une maladie grave, évolutive. L’augmentation de la prise de boisson est le premier élément devant vous inciter à consulter.
Le traitement de l’insuffisance rénale chronique inclut des mesures diététiques et des mesures thérapeutiques, le suivi rigoureux de la prescription de ces deux traitements est un gage de réussite et d’amélioration de l’espérance de vie de votre animal.