Un peu d’anatomie
Le pancréas est un petit organe rose nacré en contact avec la toute première partie de l’intestin grêle. Il assure deux fonctions bien distinctes :
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La fabrication et la sécrétion dans le sang d’hormones permettant la régulation de la glycémie, insuline notamment (fonction dite endocrine).
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La fabrication d’enzymes déversées dans l’intestin assurant la digestion (fonction dite exocrine).
On parle d’insuffisance pancréatique exocrine lorsque le pancréas ne fabrique plus les enzymes digestives. Une anomalie de fonctionnement de la partie endocrine du pancréas entraîne un diabète.
À part dans de très rares cas de dysfonctionnement complet du pancréas (tumeur, maladie générale et chronique du pancréas, ablation pancréatique), l’existence d’une insuffisance pancréatique exocrine n’est pas accompagnée de diabète et inversement.
À quoi servent les enzymes digestives fabriquées par le pancréas ?
Le pancréas joue un rôle fondamental dans la digestion et l’absorption des nutriments car il fabrique et déverse dans l’intestin des enzymes comme la lipase, la trypsine et l’amylase qui digèrent respectivement les lipides, les protéines et les glucides : la digestion des aliments nécessite la présence de ces enzymes.
> Rappel sur le mécanisme de digestion. Les aliments formés de protéines, de lipides et de glucides, arrivent dans la bouche où ils sont mastiqués et broyés. Ils passent ensuite au niveau de l’estomac où ils sont malaxés et imprégnés d’acide gastrique ce qui démarre la digestion chimique. C’est dans l’intestin, sous l’action des enzymes, que les fragments alimentaires vont progressivement être découpés en molécules de plus en plus petites qui pourront être absorbées par les microvillosités intestinales et servir à l’organisme tout entier. Les nutriments qui ne sont pas fragmentés et ne peuvent pas être absorbés par les villosités continuent leur transit digestif pour être évacués.
Le pancréas intervient également dans la production de bicarbonates et dans l’absorption de la vitamine B12. Enfin, il fabrique des substances qui régulent l’équilibre de la flore intestinale.
Pourquoi mon chien est atteint-il d’une insuffisance pancréatique exocrine ?
Les dysfonctionnements de la partie exocrine du pancréas sont essentiellement dus à une diminution de la masse fonctionnelle du pancréas (héréditaire ou tumorale) ou sont la conséquence d’une inflammation aiguë de type pancréatite. Les signes cliniques de la maladie apparaissent lorsque plus de 90 % de la masse pancréatique exocrine a disparu.
Il a été montré que le Berger Allemand, le Colley, le Setter anglais ou le Cavalier King Charles notamment présentent une prédisposition à développer une insuffisance pancréatique exocrine. Le Schnauzer nain pourrait aussi être prédisposé.
Dans ce cas, la maladie touche des jeunes chiens de moins de 5 ans et il s’agit d’une atrophie des cellules du pancréas qui fabriquent les enzymes digestives.
Lorsque la maladie atteint des chiens plus âgés, l’insuffisance pancréatique est souvent due à une évolution d’une pancréatite dégénérative ou d’une tumeur ; elle peut alors être associée à un diabète.
L’insuffisance pancréatique exocrine est parfois la conséquence d’une hyperacidité ou d’un état de dénutrition majeure.
Quels sont les signes cliniques d’une insuffisance pancréatique exocrine ?
Une insuffisance pancréatique exocrine se manifeste par une diarrhée chronique, une perte de poids, des douleurs abdominales et parfois des vomissements.
La diarrhée d’une insuffisance pancréatique est relativement caractéristique :
- Fèces pâles, jaunes à grises, «couleur mastic».
- Augmentation importante du volume des fèces.
- Augmentation de la fréquence des fèces.
- Flatulences importantes.
Parce que l’organisme ne peut digérer les aliments (les fractionner pour qu’ils puissent être absorbés par la muqueuse intestinale) et ne peut les utiliser, il compense ces pertes fécales par une augmentation majeure de l’appétit (polyphagie) qui malgré tout ne couvre pas les besoins de l’animal ce qui induit souvent une perte de poids voire de la cachexie.
Avec le temps, le pelage peut être altéré par un défaut d’apport en nutriments essentiels.
Comment faire le diagnostic d’une insuffisance pancréatique exocrine ?
En présence de signes cliniques évocateurs (indiqués ci-dessus), le diagnostic d’insuffisance pancréatique est validé par une diminution de la concentration sanguine en trypsinogène (TLI). Cette analyse est souvent couplée aux dosages de la vitamine B12 et des folates qui sont des marqueurs d’une prolifération bactérienne intestinale.
> Attention, d’autres maladies modifient le TLI et le diagnostic d’insuffisance pancréatique doit prendre en considération le TLI ET les signes cliniques.
> Une insuffisance pancréatique exocrine peut être accompagnée d’autres maladies intestinales comme une MICI (maladie inflammatoire chronique de l’intestin). Ceci est parfois source d’échec thérapeutique.
Comment traiter une insuffisance pancréatique exocrine ?
La supplémentation enzymatique
L’apport de préparation enzymatique en poudre enrobée à chaque repas pallie à l’insuffisance de sécrétions enzymatiques par le pancréas. Il existe des formes vétérinaires qui vous seront prescrites en priorité. Si les résultats obtenus ne sont pas suffisants, votre vétérinaire peut prescrire des médicaments humains.
Pour que ces produits soient efficaces, ils doivent être distribués juste avant le repas qui lui-même doit être absorbé rapidement ; le libre-service est interdit (le non-respect de ces règles peut être une cause d’échec au traitement). La posologie du produit dépend plus de la masse du repas que de la taille de l’animal.
En général, un arrêt de la diarrhée et une augmentation du poids sont souvent observés dans les deux premières semaines, il convient ensuite d’essayer de diminuer la supplémentation enzymatique jusqu’à la dose minimale efficace.
La diététique
Il est indispensable qu’un chien souffrant d’une insuffisance pancréatique exocrine reçoive un aliment hyperdigestible de haute qualité (qualité vétérinaire). En effet, en plus de contenir des nutriments de haute valeur biologique qui peuvent être facilement digérés et absorbés par l’intestin, ces aliments sont complémentés en micro nutriments : oligo-éléments et vitamines. Une ration ménagère sera souvent moins efficace.
L’alimentation doit être distribuée sous forme de repas et non en libre-service. Toute gamelle non terminée une demi-heure après l’administration des extraits pancréatiques doit être retirée.
La complémentation vitaminique
L’insuffisance pancréatique exocrine est souvent accompagnée d’un déficit en vitamine B12 qu’il convient de complémenter grâce à des injections une fois par mois.
Lutte contre les proliférations bactériennes
Une augmentation des folates dans les dosages sanguins impose la mise en place d’un traitement antibiotique pour lutter contre les proliférations bactériennes qui aggravent les troubles digestifs.
Traitement complémentaire
Dans certains cas, il est nécessaire de prescrire des antiacides.
Que faire si le traitement ne fonctionne pas ?
La première cause d’échec au traitement est liée à une supplémentation enzymatique inadaptée. Certains chiens développent une réelle aversion envers le supplément enzymatique. Il convient alors de changer de forme de médicament.
La qualité et la composition de la flore de l’intestin grêle sont énormément modifiées lors d’insuffisance pancréatique exocrine ; même si les altérations disparaissent généralement avec le traitement enzymatique, il est nécessaire de poursuivre le traitement antibiotique pendant près d’un mois dans certains cas.
Il ne faut pas oublier que l’intestin peut être également le siège d’autres maladies (anomalies, entéropathie, hypoprotéinémie, allergie alimentaire) qu’il faudra alors explorer si le traitement initié ne donne pas les résultats voulus.
L’insuffisance pancréatique exocrine est héréditaire chez le Berger Allemand et le Colley à poils longs ; il est fortement conseillé de ne pas utiliser des chiens malades pour la reproduction.