L’anesthésie est un domaine qui, méconnu, vous effraie souvent. Les vieux démons ancestraux vous la font redouter, pourtant aujourd’hui l’anesthésie est de plus en plus sûre en médecine vétérinaire grâce à des protocoles adaptés à chaque animal.
Définitions
Anesthésie générale : état de narcose accompagné d’une diminution des réactions neurovégétatives et d’une altération transitoire des fonctions respiratoire et cardiovasculaire. Ses objectifs sont la perte de conscience, l’absence de douleur et le relâchement musculaire.
Narcose : sommeil artificiel obtenu par l’administration d’une substance chimique, le plus souvent au cours d’une anesthésie générale.
Analgésie : fait de supprimer la sensibilité à la douleur aiguë, qu’elle soit transitoire (suite à un acte chirurgical, par exemple) ou chronique.
Dans quels cas une anesthésie est nécessaire ?
Contrairement aux humains, nous ne pouvons pas demander aux animaux de ne pas bouger pendant que le vétérinaire réalise certains soins. C’est pourquoi un certain nombre d’actes sont réalisés sans anesthésie chez l’humain et en nécessitent une chez l’animal : détartrage, soins de plaies, certaines radiographies, scanner, certaines échographies, pose d’une sonde urinaire chez le chat, pose d’une perfusion chez le chat, réalisation d’une prise de sang…. Dans ces cas, en fonction du tempérament de l’animal et de l’acte à effectuer, le vétérinaire adapte son protocole de la simple tranquillisation à l’anesthésie générale.
De même, le vétérinaire peut avoir recours à une anesthésie pour certains animaux non coopératifs voire agressifs (ou sauvages) afin de réaliser un examen clinique ou des petits soins.
Enfin, toute intervention chirurgicale (incision de la peau pour atteindre un organe) nécessite une anesthésie générale.
L’anesthésie locale est pratiquée pour la réalisation de soins sur une petite partie du corps (pose d’agrafe, nettoyage d’une plaie), sur des animaux patients et dociles. Elle est également souvent utilisée en complément d’une anesthésie générale pour supprimer la douleur de la zone opérée (ex : chirurgie osseuse, chirurgie des mamelles).
L’anesthésie péridurale nécessite chez l’animal une sédation et ne peut pas être une alternative à l’anesthésie générale. Elle est utilisée pour des chirurgies très douloureuses de l’abdomen (exérèse d’un pyomètre) ou des membres postérieurs (chirurgie osseuse, pose d’une plaque).
Les risques de l’anesthésie en quelques chiffres
> En médecine humaine, le risque de mortalité péri-opératoire est de 1 cas sur 20 000.
> Chez l’animal, le taux de mortalité péri-opératoire inexplicable (arrêt cardio-respiratoire) est chez le chien de 0,05 %, chez le chat de 0,11 % et chez le lapin de 0,73%.
L’appréciation du risque anesthésique est corrélée :
à l’âge : bien que l’âge ne soit ni une maladie ni une contre-indication absolue à l’anesthésie générale, il est souvent associé à des affections et prédispose aux complications. Chez le chien de plus de 8 ans, le risque anesthésique est multiplié par 4, mais pas de relation prouvée entre l’âge et le risque chez le chat.
à la procédure anesthésique : la qualité de la procédure anesthésique est du ressort du savoir-faire du vétérinaire (chirurgien et anesthésiste) ainsi que des moyens techniques mis à sa disposition (appareils de monitoring et de réanimation).
à l’état de santé du patient avant l’anesthésie : l’histoire et l’examen clinique de l’animal avant l’anesthésie (espèce, race, sexe, âge, tempérament, appareils cardio-vasculaire et respiratoire, système nerveux central, fonction rénale, métabolisme, appareils digestif et endocrinien, appareil musculo-squelettique) orientent le choix des examens qui devront être pratiqués pour rechercher des anomalies pouvant interférer ou perturber la procédure anesthésique. Un chien accidenté en hémorragie interne présente plus de risque anesthésique qu’une jeune chienne qui se fait stériliser.
> Cependant aucune étude ne positionne tel ou tel examen complémentaire dans les priorités du bilan pré-anesthésique : les analyses sont un soutien à l’examen clinique, toujours guidé par l’évaluation clinique et le bon sens du vétérinaire.
Le jeûne depuis la veille au soir est une des précautions à prendre avant une anesthésie pour éviter les vomissements et les fausses déglutitions (passage d’aliments dans les poumons).
En pratique comment ça se passe ?
L’anesthésie de votre animal est une série d’étapes qui vont l’amener de façon la plus sûre possible vers la narcose.
La prémédication
La préméditation prépare l’animal au passage à l’anesthésie. Plus coopératif, l’animal est alors facilement maintenu par le personnel pour améliorer la sécurité de chacun. Les hormones du stress (comme l’adrénaline) qui ont des effets délétères sur le cœur sont ainsi diminuées.
Les médicaments utilisés pour la prémédication apportent également une analgésie et améliorent le réveil.
En pratique, le vétérinaire administre ces médicaments en injection, soit en intramusculaire, soit après la pose d’un cathéter, en voie intraveineuse.
Dans la plupart des cas, cette phase permet au vétérinaire de poser à l’animal une « voie veineuse », c’est-à-dire un cathéter dans la veine pour pouvoir administrer les médicaments de l’anesthésie et au besoin les médicaments de la réanimation.
Gestion de la douleur chirurgicale
La prise en charge de la douleur de l’animal est primordiale en anesthésie, en effet, la douleur chirurgicale non gérée est à l’origine de bien des méfaits : dépression immunitaire, hyperthermie, déficit cardio-respiratoire, augmentation des besoins métaboliques, troubles gastro-intestinaux, difficultés d’alimentation, automutilation, cicatrisation retardée et infections et enfin douleur postopératoire chronique.
Cette douleur chronique postopératoire est associée à la sévérité de la chirurgie (en fonction de la durée chirurgicale et de la douleur engendrée) et à des facteurs individuels : l’analgésie chirurgicale utilise différents moyens et différentes molécules pour s’adapter à l’intensité et à la durée de la douleur et à l’individu.
Anesthésie locale : il s’agit d’insensibiliser la zone qui va être le lieu de la chirurgie : cette technique bloque la transmission de l’information nerveuse douloureuse vers le cerveau et réduit significativement l’apparition de douleurs postopératoires chroniques.
Anti-inflammatoires : ils agissent sur le site de la lésion et diminuent la sensation douloureuse.
Morphiniques : ils agissent à de nombreux étages de la douleur et sont particulièrement bénéfiques car ils sont très sûrs pour l’animal.
Autres : médicaments de la prémédication et anesthésiques à très faibles doses. Ils participent à la gestion de la douleur et potentialisent l’action de toutes les autres molécules.
L’induction
L’induction est le passage de l’état d’équilibre de conscience à l’état d’équilibre d’inconscience, et constitue un stress pour l’organisme. Il s’agit de l’étape critique de l’anesthésie générale.
Les risques de l’induction, davantage inhérents aux pratiques qu’aux médicaments, sont limités par la check-list de l’anesthésiste : examens cliniques et complémentaires, mise à jeun, réanimation, prémédication, abord veineux, perfusion, sécurisation des voies respiratoires par pose d’une sonde trachéale et protocoles raisonnés et adaptés.
L’induction peut suffire au geste envisagé, sinon elle sera relayée par un agent de la narcose par voie veineuse ou respiratoire.
L’induction se réalise par injection intraveineuse dans le cathéter ou par voie intramusculaire dans certains cas.
Entretien de l’anesthésie
Anesthésie fixe : le médicament anesthésique est administré par voie intraveineuse.
Anesthésie gazeuse : le médicament anesthésique est administré au moyen d’une sonde trachéale par voie respiratoire.
Le choix du type d’anesthésie dépend de l’état de santé de l’animal et de l’équipement du vétérinaire.
Le réveil de l’anesthésie
La durée et la qualité du réveil dépendent de l’intervention pratiquée, de sa durée, de l’état de santé et corporel de l’animal et du protocole anesthésique utilisé. Il s’agit d’une période critique. Chez le chat, un risque est identifié dans les 3 heures post-opératoires.
L’action de l’anesthésique doit cesser en fin d’intervention. En anesthésie gazeuse, à partir du moment où l’animal ne respire plus l’anesthésique, il est en phase de réveil ; en anesthésie fixe, le réveil dépend du métabolisme de l’anesthésique et est généralement un peu plus long.
Dans tous les cas il semble raisonnable que votre animal reste sous la surveillance de votre vétérinaire dans les 3 heures qui suivent la fin de l’intervention.
La réanimation
On désigne sous le terme de réanimation tous les moyens que le vétérinaire met en œuvre pour éviter un arrêt cardiorespiratoire ou pour pouvoir rapidement le combattre.
Ainsi au cours d’une anesthésie, en fonction de l’acte et de l’état de santé de l’animal, le vétérinaire prévoit :
un cathéter pour administrer rapidement des médicaments de la réanimation,
une perfusion pour aider le système cardio-vasculaire, et éventuellement juguler les pertes sanguines,
une sonde trachéale pour aider le système respiratoire, ventiler l’animal et administrer au besoin de l’oxygène,
un tapis chauffant pour maintenir la température corporelle,
des appareils permettant de suivre les fonctions vitales, l’activité du cœur, la respiration et l’oxygénation de l’organisme : stéthoscope œsophagien, électrocardiogramme, appareil de monitoring, …
et toujours le savoir-faire du vétérinaire.
Il n’y a pas un bon protocole anesthésique et pas d’anesthésie sans risque. Cependant, en adaptant au plus juste le protocole anesthésique à votre animal, votre vétérinaire diminue au maximum les risques de cette pratique.
Dans certains cas rares et délicats, il faudra cependant bien peser le pour et le contre : « L’intervention qui nécessite une anesthésie et que je souhaite faire pratiquer sur mon animal présente-t-elle un net bénéfice par rapport au risque anesthésique que je vais lui imposer ? »
> Ex : Dois-je faire enlever une verrue sur mon chien cardiaque de 14 ans ? Probablement NON.
> Ex : Dois-je faire pratiquer un détartrage sur mon chien cardiaque de 14 ans qui présente des signes de maladie gingivale avancée ? Probablement OUI.
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